Un peu de tout et de tout un peu

Un peu de tout et de tout un peu

Un médecin généraliste peut-il se passer d'un dossier médical informatisé ? Non !

Après lecture d’un article du JdM du vendredi 17 février où j’apprends que des médecins envisagent d’arrêter de travailler parce que l’e-prescription devient obligatoire, j’aimerais réagir car certains arguments m’ont fait bondir.

L’interviewé cite l’âge de 8 médecins meurtris et découragés par l’obligation de s’informatiser . En ce qui concerne les plus âgés de 74 et 79 ans, je me dis qu’ils sont à l’âge de prendre une retraite bien méritée, de profiter de la vie qu’il leur reste à vivre en prenant soin d’eux, de leur famille, de leurs petits enfants.  Personnellement, je ne m’accrocherai pas à la profession aussi longtemps car il y a une vie à côté de la médecine, à condition d’en sortir. Qu’ils profitent donc de cette obligation d’e-prescription pour raccrocher leur sthétoscope me semble de bonne guerre.   Cela dit je connais des médecins du même âge qui suivent avec enthousiasme des formations au DMI.  On peut s’instruire et changer sa manière de travailler à tout âge pour autant qu’on ait l’esprit ouvert.  Je trouve triste par contre qu’un médecin de 45 ans se trouve trop vieux pour s’informatiser.

Un médecin généraliste (mais spécialiste aussi) qui refuse l’informatisation au XXIe siècle c’est, mutatis mutandis, la même chose qu’un médecin qui au début du XXe siècle aurait refusé d’installer le téléphone ou qui se serait obstiné à faire ses visites en tilbury tiré par un cheval parce qu’il refusait la voiture, ou plus tard quelqu’un qui aurait refusé la facilité du répondeur automatique ou du GSM par refus de virer son vieux téléphone fixe. Je suis d’accord pour dire que le téléphone, la voiture ou le GSM se sont imposés d’eux-mêmes sans que les ministres de la santé aient décidé d’obliger les médecins à passer leur permis de conduire. Cela me rappelle un de mes professeurs qui à l’université nous avait dit que le diplôme ne servait à rien pour un médecin généraliste s’il n’était assorti du permis de conduire.   On ne va pas contre son temps.

Pour ma part, j’ai anticipé le mouvement d’informatisation il y a presqu’un quart de siècle. J’ai utilisé d’ailleurs au début un logiciel en version DOS,  je me souviens que je recevais mes résultats de laboratoire sur disquettes, résultats que j’intégrais manuellement un par un.  Quand j’y repense je me fais l’effet de quelqu’un qui en TGV se rappelle d’avoir encore circulé dans des trains à vapeur.  En tant qu’utilisatrice d’un DMI, j’ai  certes vécu des heurs et malheurs lors du passage de DOS à Windows par exemple, puis il y a eu des bugs multiples… mais au total je dois dire que je ne renoncerais pour rien au monde au plaisir du dossier informatisé, en dépit de tous les bugs techniques qui peuvent se rencontrer. 

Je ne saurais plus me passer d’un DMI surtout quand je vois toutes les opportunités qu’il m’offre :  le journal de toutes les consultations (la tête admirative des patients vus en garde ou lors de remplacement épisodique à qui je dis : oui, je vous ai vu à telle date et je vous ai prescrit tel médicament et vous m’aviez d’ailleurs signalé être allergique à tel ou tel produit.), les courbes évolutives des paramètres, la réception des résultats et rapports qui viennent s’intégrer directement dans le dossier et que je retrouve affichés dès l’ouverture, les demande de rappels de vaccination ou de dépistage, les interactions et les alertes lorsque je prescris un nouveau traitement, la possibilité de se connecter au départ du dossier sur le site du cbip par exemple pour retrouver un détail d’information, les certificats dont on a d’office le double (ne me dites pas que tous les médecins gardent un double de leurs certificats qu’ils font manuellement) et dont on peut sortir un duplicata, idem pour les soins de kiné, les soins infirmiers, les demandes d’examen ou les lettres de référence aux spécialistes.  La tarification du tiers payant ne pose plus de problème, les ASD se forment à chaque clôture de consultation et avec le logiciel que j’utilise sans aucune manipulation technique particulière, juste un click pour l’enregistrer et je suis payée la semaine suivante, le pied, sans compter que connectée directement à mycarenet je sais tout de suite vérifier l’assurabilité du patient !! Et avec les documents Bf qui s’envoient en un click aussi, la paperasserie administrative se réduit considérablement.  Le DMG électronique est aussi un avantage, plus besoin de le mendier au patient.

 J’utilise l’e-prescription depuis le mois de janvier 2017 et je ne me suis jamais arrachée les cheveux à ce propos, la copie de prescription électronique  sort aussi facilement que sortaient mes ordonnances imprimées et lorsque recip-e coince, une ordonnance ordinaire sort sans plus de problème. Le gros problème c’est évidemment au domicile : la nécessité d’une preuve papier de la prescription électronique est la pierre d’achoppement. Il faut effectivement un pc, une connexion internet wifi, une imprimante… ça devient lourd. J’espère que viendra le jour où l’on pourra disposer d’une application nous permettant de prescrire au départ d’un iphone avec envoi de la dite preuve sous forme de document pdf que le pharmacien pourrait scanner sur son ordinateur.  Bref une application de prescription utilisable indépendamment du logiciel. Mais de toute façon, les problèmes techniques temporaires ou permanents étant une cause valable de non prescription électronique, l’obstacle de la e-prescription au domicile n’en est pas vraiment un.

Non, contrairement à que mon confrère dit dans l’article du JdM, le DMI est bien plus qu’un outil de mémorisation, c’est un outil de travail complet  et d’un apport certain pour notre profession.

Et en dépit de ce que l’on peut penser, non, je ne passe pas plus de temps à m’occuper de mon pc que de mon patient.  Je dirais même au contraire car je gagne un temps précieux. Je prends toujours autant le temps d’écouter, d’examiner, de réfléchir.

En ce qui concerne l’argument de dire que le courrier papier on est obligé d’ouvrir l’enveloppe et de les lire avant de les classer,  on peut tout aussi bien classer le courrier sans le lire… et le courrier électronique devant être téléchargé, on prend aussi le temps de le lire, rassurez-vous !

Pour le confrère qui estime qu’à 60 ans :commencer à informatiser à partir de zéro ses dossiers est une mission impossible en évoquant les milliers de dossiers, je répondrai qu’il pose mal le problème. Tout d’abord dans la mesure où effectivement nous ne voyons pas 5000 patients différents par an mais 500 patients différents 10 fois par an,  le problème se résout en encodant les patients un à un lorsqu’ils se présentent en consultation.  Je pense que tous ceux qui se sont informatisés ont procédé de la sorte, un pas à la fois.

Bref que l’on soit contre l’obligation du DMI je peux le concevoir mais que l’on dénigre par des arguments fallacieux l’apport du DMI dans la vie du généraliste, voilà une chose que je ne pouvais laisser passer sans réagir.  Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

 

(Elide Montesi, généraliste à Sambreville)courrier publié dans le Journal du médecin du 24 février 2017



06/03/2017
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