Un peu de tout et de tout un peu

Un peu de tout et de tout un peu

Un problème bien féminin : les pertes blanches, quand s'inquiéter ?

 

 Introduire les termes « pertes blanches » sur Google aboutit à plus de 40.000 réponses dont un nombre important de forums de sites médicaux ou réputés tels, où s'échangent des commentaires et conseils pas toujours des plus pertinents. Visiblement, le problème préoccupe les femmes.

 Les pertes blanches ou leucorrhées sont un motif fréquent des consultations gynécologiques et c’est même la plainte gynécologique la plus fréquemment abordée chez les médecins généralistes qui verraient en moyenne une à deux femmes les consulter a ce sujet par semaine.  On a l’impression en parcourant les forums cités plus haut que bon nombre de femmes en souffrent sans oser consulter et une des réponses apportées à ce problème, qui pour certaines semble même obsessionnel, réside dans l’automédication de toute sorte. 

Normal avant tout!

Il faut savoir tout d’abord que des pertes vaginales glaireuses, non colorées, non épaisses, sont banales. D'une part la région vulvaire comporte des glandes  sébacées, sudoripares et autres, qui émettent naturellement des sécrétions. Par ailleurs, le vagin est un peu à l’instar de la bouche un milieu naturellement humide – la sécheresse vaginale n’est d’ailleurs pas sans poser problèmes – dont l’épithélium de revêtement se renouvelle, desquame et donc s'évacue par les voies naturelles. Ajoutez à cet exsudat vaginal normal, les sécrétions muqueuses en provenance du col de l’utérus et éventuellement des sécrétions d’origine utéro-tubaire en fonction de la période d’activité ovarienne. En voilà bien assez pour tacher et mouiller le linge de manière plus ou moins abondante. La quantité de ces pertes varie en fonction de la période du cycle, de la fréquence des rapports sexuels, de l’imprégnation hormonale (contraception, grossesse, ménopause …)

Ceci dit, il n’en reste pas moins vrai que ces pertes blanches ou leucorrhées, pour les appeler par leur nom, ne sont pas toutes anodines. Elles peuvent aussi être le signe d’une infection  ou d'une mycose (le plus fréquent), d'une irritation chimique ou d'une allergie (produits de bains, parfums des papiers de toilette, chlore des piscines …). Dans ce cas, elles sont rarement isolées, et s’accompagnent de symptômes tels que démangeaisons, douleurs, rougeur vulvaire, odeur nauséabonde, couleur bizarre, aspect grumeleux ou mousseux, présence de sang… Autant d’éléments qui justifient un avis médical toujours préférable à l’automédication, ou aux conseils trouvés sur Internet …

Mycoses

Les  candidoses et autre mycoses sont la cause la plus fréquente des leucorrhées; elles représentent  25 à 44% des cas d’infections gynécologiques basses. Ce sont des affections généralement bénignes qui ne sont d’ailleurs pas considérées comme des maladies sexuellement transmissibles. Rien d’étonnant donc si le médecin ne prescrit pas de traitement systématique du partenaire, que l’on ne retrouve d’ailleurs infecté que dans un cas sur cinq en cas de mycose récidivante chez la femme et encore le plus souvent est-il asymptomatique. Au-delà de quatre épisodes par an, ces candidoses sont considérées comme récidivantes (5% des cas), récidive parfois favorisée par des facteurs irritants ou allergiques, ou certaines maladies comme un diabète mal équilibré, … Un traitement efficace n’exclut pas une récidive possible, et on peut rester porteuse du candida albicans sans symptômes même après avoir été traitée. Au chapitre des facteurs favorisant les candidoses, on trouve les antibiotiques, la diminution de l’immunité, les rapports sexuels multiples. On entend souvent incriminer les vêtements ou sous-vêtements trop serrés surtout si synthétiques, parce que facilitant la macération et l’échauffement local, mais cela n’aurait jamais été prouvé… Pas vraiment prouvé non plus le rôle de la contraception orale comme facteur favorisant des candidoses.

Déséquilibre dans la flore

Une autre cause fréquente de pertes blanches infectieuses est la vaginose bactérienne provoquée par un déséquilibre de l’écosystème vaginal. Le milieu vaginal normal est acide, acidité entretenue grâce à l’acide lactique fabriqué par certains souches de lactobacilles présents naturellement dans le vagin. Cette acidité empêche le développement d’autres germes, eux aussi présents dans la flore vaginale normale mais en faible quantité. Toutes les conditions qui favorisent la diminution de ces lactobacilles entraînent une diminution de l’acidité et le développement d’ autres bactéries dites opportunistes (comme le Gardnerella vaginalis par exemple).  Ces conditions peuvent être favorisées par l’usage de produits douches ou sprays d’hygiène intime, des partenaires sexuels multiples, le port d’un stérilet… Ces vaginoses ne sont pas non plus considérées comme maladies sexuellement transmissibles et ne nécessitent pas de traiter le partenaire. 

Candidoses, mycoses ou vaginose bactérienne, sont parfois présentes simultanément, et évoluent toujours de manière favorable et sans complications même en cas de récidive. Leur traitement peut être local ou général, en dose unique ou pendant plusieurs jours. Rien ne permet d’affirmer qu’un mode de traitement soit supérieur à l’autre, ou qu’un médicament soit plus efficace qu’un autre pour se débarrasser de ce type de germes. Parfois, le traitement local apporte un soulagement plus rapide, mais le traitement oral peut être préféré par facilité … la décision dépendant autant de l’expérience du médecin traitant que de la préférence de la patiente pour l’un ou l’autre.

Moins fréquente que les deux précédentes mais pas rare pour autant, puisque sa fréquence est  de 3 à 5% dans la population jeune (15-40 ans) sexuellement active,  l’infection à Trichomonas mérite d’être citée dans les causes de leucorrhées pathologiques. Cette infection doit toujours être traitée  pour en éviter la dissémination car il s’agit d’une maladie sexuellement transmissible.  Le  partenaire nécessite donc aussi un antibiotique adapté. Ajoutons que cette infection ne répond pas à un  simple traitement local.

Si toutes les pertes blanches ne sont pas d’origine infectieuse, toute infection gynécologique ne se traduit pas nécessairement par des leucorrhées .

Certes des écoulements vaginaux, surtout s’ils sont abondants, sont source d’inconfort et de désagrément. Le degré d’inconfort ressenti est souvent proportionnel à l'image  plus ou moins négative que l’on a du phénomène. Des antécédents personnels ou familiaux peuvent accroître l’anxiété que ces manifestations suscitent, sans parler de toutes les légendes et mythes qui circulent à propos du corps féminin dont le fonctionnement normal reste trop souvent encore méconnu en dépit de l’évolution des mœurs et des connaissances scientifiques. La publicité n’arrête pas de nous renvoyer l’image d’un corps idéalisé, d’où n’émane aucune odeur et dont les sécrétions les plus naturelles sont jugées importunes, voire malséantes. Image fort éloignée somme toute des réalités physiques, responsable d’angoisses injustifiées et de soins d’hygiène intime parfois exagérés, au risque de créer un cercle vicieux …

 

L’excès d’hygiène peut nuire à la santé …

Il n'est pas rare que des femmes tracassées par des pertes blanches qu'elles jugent incommodantes se livrent à des soins intimes intempestifs qui finissent par faire plus de tort que de bien.   Une toilette intime raisonnable ne concerne que la région vulvaire, pas l’intérieur du vagin. Mais laver plus de deux fois par jour cette région  en altère le revêtement protecteur de la peau. Les nombreux produits d’hygiène intime de même que les produits antiseptiques ou antibactériens n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour prévenir ni même pour traiter les infections vaginales et peuvent eux-mêmes être à l’origine d’infections.

L’acidification du vagin semble parfois utile en cas de vaginite bactérienne récidivante, mais au risque  de provoquer une candidose lorsqu’elle se fait de manière trop répétée. L’ail ou l’huile essentielle de tea tree pour ceux qui seraient tentés par les médecines dites douces ou naturelles n’ont fait l’objet d’aucune étude démontrant leur utilité. 

 

Quelle place pour les probiotiques ?

Bien que le rôle des lactobacilles dans le maintien de l’équilibre de la flore vaginale normale soit démontré, jusqu’à présent les preuves sérieuses manquent pour justifier l’administration de probiotiques  pour traiter ou pour prévenir les récidives ou le développement d’une vaginite suite à la prise d’antibiotiques .  Les études dans ce domaine  sont toujours en cours Par contre, durant la grossesse,  l’administration de probiotiques semble utile pour prévenir les infections vaginales mais sans bénéfices démontrés en termes de prévention d’accouchement prématuré. A titre anecdotique, deux études auraient montré une réduction des infections vaginales au cours de la grossesse lors de l’ingestion d’un lait enrichi en probiotiques ou de l’application intravaginale d’un yogourt… mais en l’absence de toute recommandation scientifique précise pour la pratique et vu les controverses  dans ce domaine,  nous nous garderons bien de conseiller de consommer du yogourt de cette façon …

(publié dans le magazine Equilibre novembre 2011)



10/04/2015
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